dimanche 4 novembre 2012

AUTO ENTREPRENEUR : OUI MAIS....!


Une des voies d’avenir en France est  le développement massif des micro-entreprises via le statut d’auto entrepreneur.
Mais cette formule récemment lancée par l’Etat suscite inquiétude et mécontentement, malgré un succès indéniable au niveau des créations ( depuis 2009,  50% des créations d’entreprises se font sous ce statut).
Il est en effet très simple de créer sa micro-entreprise, de plus la perception des cotisations sociales et fiscales est très simplifiée (mais en même temps compliquée pour rien ). Je vois cela comme une remise au goût du jour de l’ancien système du forfait sauf que dans le forfait on négociait avec l’administration de façon individuelle et directe, alors que le statut actuel résulte d’une loi !  Sur le papier tout “baigne” !
Il  y a tout de même beaucoup  de déchet puisque  75% de ces micro entreprises ne dégagent aucun revenu ! Et si 25% dégageant quelques sous, 90% de ces 25% sont en dessous du SMIC !  Il reste dans les faits seulement 10% de ces 25% c’est à dire 2,5% de la totalité des auto-entreprises qui réussissent à dégager un revenu supérieur au Smic !  Pas étonnant quand on voit le détail un peu plus loin car le SMIC est à 1425,67€  et je montre que le régime ne peut pas générer ce montant !

L’Insee note que beaucoup des créateurs sont des demandeurs d’emploi qui n’avaient que ce moyen pour essayer de travailler (ils n’auraient rien créé si ce statut n’avait pas existé).
Comme ce statut est plafonné en Chiffre d’Affaires à 83200€ ( pour les ventes) et à 33300€ (prestations de service) et sachant que les cotisations sociales plus formation, forfaitisées, sont à 12,1 % (ventes) et 21,5% (services), sans tenir compte pour l’instant de prélèvements fiscaux  il reste de disponible pour le créateur:
- ACTIVITÉ VENTE 83200 -10067,20 =  73132,80 €  
-ACTIVITÉ SERVICES  33300  - 7159,50 = 26140,50€
Si on fait intervenir l’abattement fiscal selon l’activité
VENTE 71% de 83200 soit 59072,00€  (censés représenter tous les frais d’exploitation  achats de marchandise, port, publicité, expédition ou livraison, frais de bureau, de gestion, frais de déplacements etc...). L’auto-entrepreneur paie donc sur un revenu  théorique de  24128,00€  
SERVICES  50% de 33300 soit  16650,00€ (censés représenter tous ses frais d’exploitation ).  L’auto-entrepreneur paie donc des impots sur un revenu théorique de 16650,00€  soit mensuellement 1387,50€ de revenu (avec le SMIC  à 1425,67€ ) 

Partons maintenant du principe que l’administration fiscale a évalué de façon réaliste les abattements. Que se passe-t-il ?
Pour l’ACTIVITÉ VENTE
L’auto-entrepreneur a un revenu théorique de 24128,00€  sur lesquels il a payé des cotisations sociales de 10067,20€  . Il lui reste donc vraiment 
24128,00€  - 10067,20€ =  14060,80€  ( moins que le SMIC ) Mais alors qu’avec un tel revenu il n’y a pas d’impôt pour une personne seule ( c’est bien inférieur au Smic), l’auto entrepreneur (personne seule) va être taxé  car à 24128,00€  on paie des impôts sur le revenu !
Dans le même cas de figure un commerçant classique ne paierait pas du tout d’umpôt sur le revenu !
Conclusion ce statut n’est pas du tout adapté à une activité de vente, c’est même un statut pénalisant.  Vous allez me dire oui mais on ne travaille pas forcément à coefficient 2 en vente  c’est plutôt au-dessus de 2 ( 41600 € d’achats pour 83200€ de revente). C’est vrai, mais si l’auto entrepreneur veut pratiquer par exemple les marges de la grande distribution , il sera tellement cher qu’il ne vendra rien ! Ne pas perdre de vue en effet qu’avec sa sortie du régime de TVA il achète TTC et revend TTC ).
Pour l’ACTIVITÉ SERVICES
L’auto-entrepreneur a un revenu théorique de 16650,00€ sur lequel il a payé des cotisations sociales de 7159,50€  . Il lui reste donc réellement
16650,00€  - 7159,50€ = 9490,50€   et il sera taxé sur 16650,00€ à l’impôt sur le revenu et il devra donc payer, pas beaucoup peut-être mais payer quand même (tranche à 14% ) et son revenu réel , ce que je vais écrire est faux mais c’est pour vous donner un ordre de grandeur, va tomber à peu près à 8500,00€ après impôts. Or 8500,00€ par an cela ne fait en net réel que 708,33€ par mois !
Dans la même situation un commerçant en services réalisant le même chiffre d’affaires ne paierait  rien du tout en impôt sur le revenu!
Conclusion là encore ce statut n’est pas adapté pour créer de l’activité.
L’objection de concurrence déloyale des artisans et commerçants “classiques” ne tient donc pas puisque le statut d’auto entrepreneur est moins avantageux que le leur.

Evidemment  l’administration va me dire “oui mais les cotisations sociales sont comprises dans l’abattement ! “  OK vérifions !
16650,00€ moins 7159,50€ laissent  9490,50€ pour tous les frais d’exploitatiion. Alors si on suppose que pour ce travail l’auto entrepreneur roule 20000 kms par an, comme le barême fiscal pour un véhicule de 4 CV est alors de  6543,00€  ( et ce n’est pas exagéré de dire que l’on fait  à temps plein ce kilométrage, on fait même plus, notamment en zone rurale pour une activité à plein temps, en services à la personne par exemple). Il ne reste donc que  
9490,50€  - 6543,00€  = 2947,50€   pour tous les autres frais d’exploitation (compris la taxe économique territoriale). C’est notoirement insuffisant compte tenu qu’il y a de gros frais de publicité, de démarchage, de bureau, de téléphone sans compter les honoraires,  même au minimum.

Le statut d’auto entrepreneur est donc une bonne idée théorique totalement anéantie par les pouvoirs publics !
La raison est que, insidieusement, l’administration a pensé “recettes fiscales et sociales” au lieu de penser “activité économique”. Il a été mis en place un dispositif qui incite les gens à créer, non pas en  raisonnant sur l’activité envisagée et son potentiel, mais à privilégier d’abord le côté fiscal. Or quand on est au chômage ou quand on a une retraite insuffisante, ou  si on un travaille à mi-temps, il est plus important de faire rentrer de l’argent et de s’investir sur l’activité rémunératrice que de faire des calculs fiscaux pour éviter de payer sur ce que l’on n’a pas encore gagné !
C’est sans doute pour cette raison que tant de créations ne dégagent aucun revenu, c’est trop compliqué et dans leur souci d’éviter le fisc, les créateurs négligent l’activité et se berçent d’illusions sur la façon dont ils vont générer du chiffre, frisant parfois l’incohérence !

Il serait beaucoup plus judicieux de faire un régime ultra simple sans entrer dans des considérations de forfaits, d’options, de cotisations sociales,  fiscales,  locales etc.....
En annonçant clairement la couleur dès le départ, pour éviter les surprises et désagréments:
Je vois très bien par exemple 
Vente, limite à 100000,00€ de C.A. pour bénéficier du statut.  Prélèvement libératoire général toutes cotisations comprises  à 25% du chiffre réalisé.
services limite à 40000,00€  de  C.A. pour bénéficier du statut . Prélèvement libératoire général toutes cotisations comprises à 16%  du chiffre réalisé.
Après c’est à l’Etat de faire sa salade interne et de répartir l’argent rentré entre les différents administrations et organismes. 
Au moins chacun pourrait réfléchir sans angoisse à son activité, sachant que rien ne viendrait  modifier le fonctionnement;  jamais un rappel de cotisations passées, jamais de majorations, pas de déclarations de revenus à faire, tout se paierait cash par trimestre.  
L’Etat y trouverait son compte avec une relance économique (lutte contre la précarité) et des rentrées fiscales; beaucoup pourraient compléter leurs revenus ou quitter le chômage. On ferait l’économie de dispositifs multiples parallèles et compliqués qui cohabitent et coûtent cher,  et les fonctionnaires auraient plus de temps pour améliorer la qualité des prestations publiques.... Et pourquoi pas s’attaquer au problème de la formation professionnelle, dramatiquement insuffisante dans le pays !
 Mais nous sommes en France alors pourquoi fair simple quand on peut faire compliqué !

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