En matière de retraites,
«LE» régime idéal pour tous doit gommer les discriminations des
régimes spéciaux qui favorisent certains ou pénalisent d'autres..
Je vais prendre deux
exemples opposés les agriculteurs et les militaires, mais vous allez
voir que ces métiers qui sont en fait très proches sur un point
crucial ont généré deux régimes totalement différents.
Malheureusement les pouvoirs publics parfaitement au courant des
situations n'ont jamais entrepris quoi que ce soit d'efficace pour
remédier aux difficultés.
Retraite Agricole
Le régime agricole
donnerait des retraites catastrophiques, s'il était calculé comme
le régime général,. Le métier est en effet particulier ( avec un
seul actif cotisant pour trois retraités) et l'exemple ci-dessous
permet de mesurer la difficulté à faire glisser dans le même
moule tous les régimes spéciaux.
Les agriculteurs
indépendants sont les plus mal lotis, avec un régime par points
conçu pour des retraites minimalistes et la prise en compte de
revenus dérisoires. Les cotisations ne rapportent globalement que de
23 à 30 points par an pour la majorité des exploitants:
La cotisation est
proportionnelle au revenu mais la minimale est la même pour tous (
si le revenu réel est inférieur au minimum de calcul) et égale en
2019 à 3,32% de 800 fois le Smic horaire soit 8024€, ce qui donne
une cotisation de 266€ pour financer la partie forfaitaire de la
retraite. Et il s'ajoute à cela une cotisation de 11,55% du revenu
minimal, calculé cette fois sur 600 fois le Smic horaire, et cette
cotisation obligatoire minimale ressort ainsi à 695€ par an. Le
minimum annuel à payer est donc de 961€ (266€ + 695€). En
contrepartie on accumule des points mais, et c'est compliqué, en
fonction du revenu réel et pas du revenu cotisé. Si le revenu réel
par an est entre 0 et 6018€ on cumule 23 points, si le revenu réel
est entre 6019€ et 8024€ on peut atteindre 30 points pour 8024€.
Et de 8025 à 16744€ on peut gagner entre 30 et 50 points. Pour
vraiment gagner plus de points il faut un revenu annuel de 16745 à
40524€ ce qui peut rapporter entre 50 et 104 points (à la louche
cela fait 320€ le point supplémentaire).
Or, ce n'est pas un scoop
mais l'agriculture ne rapporte pas: les prix sont écrasés
par les intermédiaires, parfois le prix mondial sur un marché donné
fait perdre de l'argent (même si on travaille sans relâche), la
météo peut faire de gros dégâts etc... En travaillant toute sa
vie l'accumulation des aléas peut aboutir à 1200 points pour une
retraite à taux plein et, à environ 4€ le point, c'est au maximum
une retraite de 283,35€ pour la partie forfaitaire et environ 350€
pour la partie proportionnelle. Ce montant de 633,35€ étant à
rapprocher de la retraite calculée selon le régime général sur
les 25 meilleures années et qui, selon mes calculs, tutoierait les
250€ par mois . Car dans le régime général les trimestres sont
fonction des cotisations payées (si vous ne gagnez rien vous ne
cotisez pas et vous n'avez pas de trimestre validé) et les
agriculteurs qui, même en travaillant peuvent perdre de l'argent,
cotiseraient au minimum donc pour un seul trimestre et pas 4. Du coup
les retraites même à taux plein (grâce à l'âge de départ)
seraient toujours avec décote pour manque de trimestres.
Une refonte universelle
alignant les régimes sur le privé (en pourcentage du revenu ou à
points), signifierait que les agriculteurs seraient perdants plus
qu'ils ne le sont aujourd'hui. Tous devraient donc bénéficier de
l'ASPA.
Chaque activité ayant
ses spécificités et ses avantages ou handicaps la première chose à
faire paraît logiquement la remise en équité des régimes afin que
partout, le fait de travailler, même sans revenus, soit reconnu et
puisse valider les trimestres. Mais si toutes les caisses
disparaissent au profit de la Carsat, à terme on pourrait établir
un minimum de retraite mensuel pour tous (ce qui éviterait un tas de
calculs d'apothicaire) par exemple à 1000€. Tout en laissant en
place des caisses complémentaires par métiers ou branches versant
des complémentaires en fonction de cotisations...
Sans qu'il s'agisse de
capitalisation. Ce serait une façon de sauvegarder les réserves des
métiers qui ont de grosses réserves (plus de trois actifs pour un
retraité).
Lorsqu'on est salarié,
fonctionnaire, profession libérale, artisan ou commerçant on gagne
sa vie en travaillant et, s'il est vrai qu'il existe des disparités
dans le revenu, on gagne bien plus que les agriculteurs....
L'alignement du régime de retraite des agriculteurs passe donc par
une nouvelle organisation de ce métier afin de le rendre similaire
aux autres activités en terme de rémunération.
Dans cet exemple cela
impliquerait une totale refonte des marchés agricoles en les
déconnectant du marché mondial (pour certaines productions) ce qui
est quasi impossible tout comme il serait impossible (car interdit
par l'Europe) de compenser un prix mondial trop bas par des
subventions ! Peut-être serait-il possible de mettre en place à
côté du prix du marché un prix de rémunération équitable, qui
ne serait donc pas une subvention, et qui devrait être payé par le
client final (en quelque sorte une solidarité nationale). Cela ne
représenterait à mon avis qu'une somme très faible par article,
mais le souci serait de la collecter et de la répartir....
S'il est simple de voter
un régime universel, il est bien plus compliqué de faire en sorte
que ce régime soit cohérent avec une retraite digne de ce nom. Cet
exemple des agriculteurs prouve qu'une réforme peut quelquefois
nécessiter un grand chambardement des habitudes et comportements
dans le pays. Mais la situation dramatique des personnes qui nous
nourrissent, résulte des dérapages chez tous les intermédiaires
intervenant entre les producteurs et le client final. Vouloir
réformer les retraites de façon équitable et cohérente suppose,
rien que pour cette profession, une refonte en profondeur de notre
société au niveau des comportements sociaux, économiques et
commerciaux.
Paradoxe des paradoxes,
quelqu'un qui n'a jamais travaillé de sa vie ou très peu, même
s'il a aussi connu des problèmes de vie et de santé, est
finalement bien mieux traité qu'un agriculteur qui lui a travaillé
comme un forcené jusqu'à 65 ans ou plus. Ce qui ne veut pas dire
qu'il faut abandonner les plus démunis, mais qu'il faut quand même
comprendre qu'il est urgent de s'intéresser aux problèmes de la
seule profession qui nourrit le pays.
Les Militaires
De l'autre côté les
militaires ne font pas nécessairement 25 ans de carrière puisque
pour eux la retraite est possible après 15 ans. Il ont l'avantage de
partir avec une retraite calculée sur les dernières soldes, au
grade le plus haut atteint, soldes les plus élevées de leur
carrière. Certes s'ils ne risquent rien en temps de paix, ils
mettent leur vie en jeu si la France se trouve en conflit militaire
quelque part dans le monde. Ce qui est étrange dans le monde
moderne, c'est que les militaires sont de fait considérés comme
incompétents après 25 ans de service, sinon pourquoi les
mettrait-on en retraite? Mais paradoxalement on les incorpore dans la
réserve avec l'obligation de faire des périodes de service, ce qui
revient à admettre qu'ils sont encore performants.... Une
Incohérence de plus!
Je rappelle que dans la
Grèce antique où les conflits étaient fréquents, et les batailles
très physiques, les citoyens étaient tenus de défendre leur cité
et son territoire jusqu'à l'âge de 60 ans.
Cela dit, je vous laisse
imaginer ce que donnerait le passage des militaires au régime
général, avec assiette de calcul sur les 25 meilleures années
(donc baisse significative de l'assiette de calcul), et départ à 60
ans (ce qui impliquerait de les faire travailler à un poste sans
danger après la carrière de terrain). Le montant de la retraite
serait en chute libre par rapport à celle qui leur est allouée
aujourd'hui.
Si j'ai pris ces
exemples c'est pour mettre l'accent sur un point commun entre les
personnes concernées. Un militaire risque sa vie, oui c'est
indubitable, mais en proportion le métier d'agriculteur tue
davantage que le métier des armes si on rapporte les décès à la
population active. Et si les décès des agriculteurs (et là je
parle des suicides) sont si nombreux c'est parce que les conditions
sont éprouvantes (harcèlement fiscal et bancaire, harcèlement et
agressions de diverses associations radicalisées et d'une partie de
l'opinion, harcèlement des fournisseurs, des intermédiaires, des
distributeurs etc...). Ce métier est dans les faits le plus risqué
dans notre pays, c'est celui qui tue le plus ! Mais aucun avantage ne
vient compenser cela et surtout pas la retraite en place!
Vous le voyez, ce n'est
pas simple de mettre en place un régime universel même si sur le
papier tous les français sont d'accord pour introduire de la
cohérence mais aussi de l'équité dans le système. On comprend les
inquiétudes du français moyen dans un contexte où les
parlementaires décident sans vraiment intégrer toutes les donnes
d'un problème, et où probablement tous les régimes spéciaux
seraient perdants (avec un régime par points pur et dur), le régime
général n'impactant pas les millions de personnes qui s'y trouvent
déjà !
En réalité les métiers
évoluent et les carrières à vie vont disparaître au profit de
carrières hachées, de boulots divers et variés (libéral, public,
salarié du privé, et pourquoi pas artisan et commerçant). Le
régime à points est donc adapté à cette façon moderne de
travailler car on pourra parquer les mêmes points quelle que soit
l'activité. De plus des métiers en excédent comme les avocats
aujourd'hui (5 actifs pour un retraité) peuvent très bien se
retrouver à terme dans la situation précaire des agriculteurs (1
actif cotisant pour 3 retraités) donc rien n'est figé. Il est
probable que les métiers d'électronique et de technologie vont
devenir excédentaires en actifs par rapport aux retraités. C'est
inéluctable: les progrès et l'évolution des sociétés génèrent
des modifications. Il faut donc adapter les systèmes sociaux à ces
évolutions. Mais pour revenir à la réforme en cours, si le
gouvernement refuse de modifier les conditions de rémunération du
monde agricole (refonte économique d'ampleur, déjà évoquée plus
haut), et s'il refuse l'idée de rémunération directe par les
acheteurs finaux (complément de revenu non assimilable à des
subventions), alors il faudrait envisager un régime par points
partiellement indexé sur la rémunération, mais basé aussi sur le
temps effectif de travail pour les métiers sous-rémunérés. Ce
serait une façon de corriger les inégalités qui en fait découlent
de notre système économique libéral et capitaliste. Mais aucun
pays n'a de prise sur cela puisque les économies sont imbriquées
les unes dans les autres et que souvent ce sont des événements
extérieurs qui influent sur les paramètres intérieurs d'un pays
(on l'a vu dans la crise financière de 2008).
D'où pour moi
l'importance du financement extérieur, que pour l'instant aucun
gouvernement ne veut utiliser.... C'est pourtant la solution sinon je
ne vois pas comment l'exécutif va réussir le tour de force de voter
le régime unique, face à des régimes spéciaux qui ne lâcheront
rien sur leurs avantages (quitte à provoquer la faillite du pays)...
Ou alors le régime unique avantagera tout le monde ce qui ferait
exploser les déficits, et pleurer les retraités actuels lésés car
privés des avancées... Mais dans cette hypothèse le besoin
d'argent nous mène de nouveau à la case départ avec comme seul
recours le financement extérieur!
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