François Ruffin chez
Ruquier a fait un beau numéro et ses propos sur le plateau ont
recueilli l'approbation d'une belle majorité . Je ne dis pas qu'il a
tort dans ses affirmations, la plupart des faits sont vrais, mais les
analyses sont faussées. Les déclarations et constats n'ont à aucun
moment fait l'objet de propositions de nature à résoudre les
problèmes réellement posés, problèmes que tous les politiques
préfèrent ignorer: il est trop facile de détourner l'attention,
par entente tacite entre les adversaires officiels (syndicats et
politiques), en déplaçant le débat sur des choses hors sujet qui
permettent à chacun de maintenir ses propres avantages. Ces
compromis font de la France un pays bancal qui avance à tort et à
travers en maintenant des privilèges aux uns, des handicaps aux
autres, et un contexte de discrimination inadmissible dans le pays
des droits de l'homme.
Oui Ruffin défend les
«petits» et a sollicité le témoignage d' une déléguée
syndicale de Carrefour et celui d'un cheminot hors statut.
La déléguée de
Carrefour nous a appris qu'une caissière à temps plein (ce qui
est de plus en plus rare) touche environ 1200€ en net mensuel... La
plupart du temps les femmes sont à temps partiel ! Cette déléguée
nous a appris que la prime d'intéressement Carrefour 2018 (sur
2017) culminait à 57€ pour l'année !
Cela dit, effectivement
si le versement d'une prime annuelle est de 57€ face aux dividendes
versés aux actionnaires (somme faible par action, mais somme énorme
en valeur cumulée) on peut se poser des questions.... D'autant que
Peugeot a versé environ 2000€ à chaque salarié en 2017 sur
l'année 2016, une fois la crise franchie.... Ce qui n'a pas empêché
certains salariés de trouver cette somme faible !!!
Reste à comparer les
résultats de Peugeot et Carrefour pour vérifier la cohérence entre
prime et bénéfice d'une entreprise à l'autre. De ce point de vue
on constate que Carrefour a subi une baisse de ses bénéfices en
2016 à 748 Millions d'Euros ce qui n'a pas empêché le versement
d'un dividende de 0,70€ le 13/07/17..... Tandis que Peugeot sortant
brillamment de ses difficultés avec un bénéfice 2016 de 2,5
Milliards d'Euros (3 fois plus que Carrefour au moins), versait pour
la première fois depuis 6 ans un dividende de 0,48€ aux
actionnaires, en donnant la fameuse prime de 2000€ à ses salariés
(environ 104000 salariés).
Peugeot avec 0,48€ de
dividende a moins soigné ses actionnaires que Carrefour (0,70€)....
Sans doute la priorité aux investissements, et l'impact de la
fameuse prime aussi !
Que s'est-il passé
chez Ruquier pour que les témoignages soient partiels et partiaux:
prônerait-on la désinformation dans cette émission?
Car la caissière a zappé
des informations importantes et c'est un comportement de malhonnêteté
intellectuelle que je n'admets pas: on peut contester et argumenter
mais alors qu'on le fasse avec un souci d'objectivité et de vérité,
et en mettant tout à plat pour réellement informer le public !
La
prime d'intéressement (non obligatoire) dont elle a parlé est une
chose totalement déconnectée de la participation légale (qui fait
l'objet d'une loi). Oui c'est vrai, cette prime de 57€ de 2018
(sur 2017) est faible, mais pourquoi cacher la participation de 610€
versée en 2017 sur l'année 2016 ( aux 132000 salariés Carrefour)?
Ce n'est pas rien (avec exonérations fiscales et sociales en prime)
! Même si la baisse des versements est forte en 2018 sur l'année
2017 à 325€ par salarié, la caissière a quand même perçu 57€
+ 325€ = 382€ en 2018 et bien davantage en 2017 . Et si je fais
le calcul par rapport au bénéfice de l'entreprise , Carrefour
n'est pas loin de Peugeot en 2017 sur 2016 avec un versement de 610+
«X» = disons 700€ pour arrondir, car pour un bénéfice triple
Peugeot a versé 2000€, et 3 fois 700€ font 2100€: on est donc
dans quelque chose de cohérent par rapport aux résultats chez
Peugeot comme chez Carrefour !
Je ne
conteste pas la difficulté liée aux conditions de travail chez
Carrefour: horaire faible souvent à temps partiel, horaire très
variable d'où difficulté à s'organiser dans la vie quotidienne,
stress du travail, clients parfois difficiles voire agressifs...
Etc.... Mais malgré tout, contrairement aux employés de très
petites entreprises ceux des grandes entreprises peuvent se défendre
collectivement, ont les primes et la participation, ont des mutuelles
avantageuses, bénéficient du Comité d'entreprise et de tarifs
avantageux sur un tas de services et de produits.... Les employés
de base des très petites entreprises ne sont défendus par personne
(et jamais par ceux des grandes entreprises), paient toujours plein
pot partout , et ce sont eux les vraies victimes même si les
employés de grosses boîtes ont des raisons de se plaindre !
Délégué SNCF
Pour les cheminots le
délégué CGT présent a déclaré gagner 1800€ nets ( il parlait
du salaire de base pour quelqu'un de son âge) avec des embauches à
5h30 le matin (il est guichetier) pour ouvrir la gare à 6h. En
évoquant les horaires élastiques, le travail du Week-end, la
difficulté d'une vie privée... Il veut prouver qu'il n'est pas
privilégié, d'autant qu' en retraite (départ à 64 ans) il
touchera 1200€ pas plus .
Là encore désinformation
car on zappe ce que je considère comme des privilèges (et dont les
cheminots ne parlent jamais): La multitude de primes qui existent à
la SNCF pour tout et n'importe quoi ( on a quand même fini par
supprimer celle des escarbilles dans l'oeil 40 ans après la
disparition de la vapeur, je rigole !) et ces primes peuvent majorer
de façon énorme le salaire. Mais les avantages en nature
constituent à mes yeux le privilège majeur:
gratuité des transports
à vie pour les salariés, leurs conjoints et les enfants (en fait
les enfants paient 10% je crois), sans parler des avantages via le
comité d'entreprise. Alors oui tout cela représente des sommes
énormes (que l'entreprise paie) et ces sommes viennent donc
diminuer les bénéfices. Si chaque employé SNCF calcule au prix
normal du billet tous les déplacements que sa famille et lui font en
un an on peut monter très haut en valeur ! Vous en connaissez vous
des salariés du privé qui ont des avantages à vie après leur
départ de l'entreprise ? Non je ne crois pas !
Je prends d'ailleurs le
pari que ces avantages en nature sont gommés par l'entreprise et
passent à la trappe : en principe les avantages en nature doivent
figurer sur la fiche de paye (comme c'est le cas en hôtellerie avec
les repas et le logement) et, comme vous le savez, chaque ligne de la
paye est soumise à cotisation. Le fait de ne pas noter les sommes
sur les fiches permet à la SNCF une évasion sociale incroyable qui
évidemment creuse le trou de la sécurité sociale ! Parallèlement
les bénéficiaires des avantages ont leur fiche de paye minorée par
l'absence des sommes considérées et leur imposition sur le revenu
s'en trouve singulièrement diminuée....
Pendant ce temps là
le pauv'con qui bosse en restauration cotise sur ses avantages en
nature et paie des impôts dessus: CHERCHEZ l'ERREUR !
Curieuse façon
d'appliquer la devise EGALITE (des cotisations) dans notre Pays !
Les petits qui cotisent
partout en ont marre : pourquoi deux poids deux mesures ? Ils en ont
assez de cotiser et de subir en lieu et place des employés du public
et semi public.
Parallèlement à cela
l'Etat lui-même en rajoute une couche car il triche de façon
éhontée. Je l'ai vérifié en examinant la comptabilité nationale
et en regardant les postes cotisations sociales payées à l'URSSAF (
information recoupée dans la comptabilité de l'URSSAF sur les
cotisations payées par l'Etat). Comme on a ,dans ces documents,
accès aux traitements versés aux fonctionnaires (et que leur nombre
est connu) il est facile de vérifier qu'il y a un «loup»: j'évalue
à plusieurs milliards chaque année le défaut de paiement de l'Etat
à l'URSSAF ce qui revient à dire que le trou de la sécu est
imputable en grande partie à l'Etat. Pour moi c'est la part
patronale des charges qui serait plus ou moins «étouffée».
J'invite les
lecteurs à faire le même contrôle que moi pour se faire une
opinion. Je ne suis pas en effet à l'abri d'une erreur ! Et puis en
consultant les documents officiels vous pourriez très bien lever
d'autres lièvres sur les privilèges, sur l'opacité orchestrée par
les pouvoirs publics, et peut-être mettre au jour des aberrations
non encore explorées de la gestion publique.
Les employés d'air
France se déplacent gratuitement partout sur la planète, à
volonté, et eux aussi ont de considérables avantages en nature via
leur comité d'entreprise. Et je ne vous dis pas les primes de
participation qui font un joli pactole au départ en retraite, car
contrairement à la SNCF, Air France a fait de beaux et gros
bénéfices certaines années. Inutile de parler d'EDF et GDF les
champions des bénéfices, les employés y bénéficient des plus
grosses retraites (régimes spéciaux) de l'économie française avec
une moyenne, si ma mémoire est bonne, plus de 2900€ par mois, et
autant vous dire que l'intéressement devient un pactole après 30
ans d'accumulation ou plus !
Si j'étais salarié de
base, avec seulement le SMIC, et devant payer plein pot mon
chauffage, mes déplacements, mon gaz, mon électricité, je ne
soutiendrais pas des personnes mieux loties que moi et qui cherchent
avant tout à protéger leur situation personnelle, se moquant comme
de l'an 40 des pauv'cons de smicards en petites boîtes qui n'ont
strictement aucun avantage !
Mais monsieur Ruffin qui a raison de dénoncer les anomalies ne résoudra pas pour autant
les problèmes. Il peut espérer sensibiliser les dirigeants et
pourquoi pas aboutir à une modification de texte par un amendement !
En ce sens l' Assemblée Nationale joue parfaitement son rôle de
tribune d'expression où un élu peut infléchir légèrement les
choses. Il a raison de dire que cette institution n'est qu'une
chambre d'enregistrement des décisions du gouvernement en poste.
Le gros problème qu'il
constate est le phénomène d'impuissance d'un contestataire même
s'il dénonce des faits avérés et anormaux. Mais c'est aussi un peu
de sa faute car en n'analysant pas l'essence des choses il ne met
jamais le doigt sur les raisons de base dans les problèmes
rencontrés
Demander la modification
des conditions de travail chez Carrefour, et la revalorisation des
salaires et primes est une chose, mais méconnaître la physiologie
de l'entreprise (donc le pourquoi de cette situation) oblige les
salariés à passer par la grève pour obtenir de maigres résultats
puisque le point essentiel n'est jamais évoqué ! Et ce point
essentiel est que l'activité de distribution est une activité à
gros C.A. Mais faible marge ( de 2% à 3% maximum).
Il faut savoir
pourquoi: certes l'idée de vendre moins cher que le petit
commerce pour se rattrapper sur la quantité vendue est une
explication et c'est toujours celle qui est avancée. Mais l'autre
vérité, rarement dévoilée, est que les marges sont faibles parce
que les frais généraux sont artificiellement gonflés. En clair
c'est l'immobilier qui est tarifé à un prix énorme (quel que soit
l'âge de l'immobilier, et il y en a des terrains et des bâtiments
dans les centres commerciaux et galeries, la location est toujours au
prix du neuf avec indexation sur le coût de la construction). Les
SCI propriétaires engrangent de fabuleux pactoles au profit de
quelques actionnaires. Les groupes de distribution sont ainsi des
pompes à fric pour les quelques propriétaires de l'immobilier
commercial d'un pays. Vous comprenez donc pourquoi il est peu
probable que l'on s'attaque à la puissance financière des personnes
concernées. Il est vrai qu'au départ gonfler les loyers avait pour
but de réduire les bénéfices des distributeurs donc l'impôt sur
les sociétés (50% à l'époque), mais au fil du temps le filon
s'est révélé si rémunérateur qu'on a développé la chose ! La
solution passe donc par la régularisation de cet abus immobilier:
les bénéfices des distributeurs vont monter à un niveau normal en
même temps que les loyers abusifs baisseront à un montant
économique plus logique.
Pour revenir à la
SNCF, constater que la concurrence en Europe a fait grimper le
prix des billets sur les grandes lignes ( au moins à 2 fois le tarif
français, voire plus) est une réalité, en déduire qu'il faut
conserver le statut des cheminots et moderniser les petites lignes
pour empêcher la hausse des tarifs en marché de concurrence est une
analyse aberrante car le problème n'est pas là: Le problème est
que plus personne, à part ceux qui ne peuvent pas faire autrement,
ne veut d'un moyen de transport obsolète et ringard. La solution
passe nécessairement par une diminution des effectifs,
malheureusement, mais surtout par la mutation de la SNCF du transport
obsolète vers un transport efficace et moderne répondant aux mode
de vie moderne des clients du XXIème siècle, ce qui serait un
fantastique facteur de créations d'emplois.
Pour faire une analogie
comprenez que le chemin de fer s'est développé parce qu'à l'époque
cela permettait un énorme gain de temps par rapport au déplacement
à pied , à cheval, ou en diligence. Les contraintes d'aller du
domicile à la gare, puis de la gare d'arrivée à la destination
finale, étaient négligeables en regard du temps gagné pendant le
voyage.
Vouloir investir
massivement dans les petites lignes SNCF d'aujourd'hui pour maintenir
les liens entre les territoires, reviendrait à avoir pensé lors de
l'installation du Chemin de Fer à investir dans des diligences en
fibre de carbone ultra légères, avec roues et suspensions dernier
cri, pour que moins de chevaux tractent autant de passagers en allant
un peu plus vite dans les déplacements (et avec économie de
fourrage à la clef), en améliorant le confort des passagers, sans
hausse des prix, et aussi en maintenant les emplois.... Combat
d'arrière garde car un attelage tirant une voiture, fut-elle aussi
légère qu'un sulky, ne peut pas rivaliser avec un train quel que
soit le trajet envisagé !
D'où mes courriers au
Président Macron puis à Guillaume Pépy et bientôt aux dirigeants
régionaux suggérant d'utiliser en réseau routier, sans lien avec
le réseau routier classique, le réseau SNCF obsolète (avec
extension de ce réseau sur des parallèles aux grandes lignes
dont l'emprise au sol très large le permet): soit par un transport
automatique de navettes électriques ou autres, sans chauffeur (ce
qui soulagerait le réseau routier classique des cars et camions:
donc moins de morts sur les routes), ou encore en implantant une
autre génération de transport ultra rapide (hyperloop, véhicule
magnétique gentre aérotrain sans structure béton, drone sur
cable-guide etc...). Et pourquoi pas les deux options selon les cas
et les lignes ?
François Ruffin est
plein de bonne volonté mais dénoncer, sans avoir réellement
travaillé les sujets, crée des tensions dans la société . Cela
complique les choses, les envenime et ne permet pas la mise en place
de solutions puisque jamais la cause fondamentale n'est traitée.
Face à des hommes comme lui, ceux qui savent le fond des choses, et
il y en a, se frottent les mains car ils sont certains que tout se
calmera dans un compromis bancal soutenu par les uns (faute de mieux
à obtenir raisonnablement), combattu par les autres (qui dénoncent
avec raison l'injustice ou la discrimination, mais se sentent
coupables de cacher leurs petits privilèges non dits et acceptent le
deal, et surtout qui n'attaquent jamais sur le fondamental) . Ainsi
les facteurs d'injustice et d'inégalité perdurent dans un climat,
il faut le dire, de quasi satisfaction générale
Les choses changeront
peut-être lorsque plusieurs personnes mettront en même temps (et
partout sur la planète) les points sur les «i» en décortiquant
l'essentiel des problèmes. L'opinion publique mondiale sera alors en
mesure de régler définitivement et équitablement les aberrations
qui existent aujourd'hui..... A moins que la nature humaine profonde
ne joue un tour pendable à la population, en faisant émerger de
nouveaux leaders qui commettront les mêmes faits répréhensibles
que les leaders actuels, en maquillant les apparences et en assurant
que tout est conforme et sous contrôle …..
L'histoire est un éternel
recommencement et la nature humaine demeure la même depuis la nuit
des temps !
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