mardi 17 avril 2018

RUFFIN CHEZ RUQUIER: A COTE DE LA PLAQUE !

 François Ruffin chez Ruquier a fait un beau numéro et ses propos sur le plateau ont recueilli l'approbation d'une belle majorité . Je ne dis pas qu'il a tort dans ses affirmations, la plupart des faits sont vrais, mais les analyses sont faussées. Les déclarations et constats n'ont à aucun moment fait l'objet de propositions de nature à résoudre les problèmes réellement posés, problèmes que tous les politiques préfèrent ignorer: il est trop facile de détourner l'attention, par entente tacite entre les adversaires officiels (syndicats et politiques), en déplaçant le débat sur des choses hors sujet qui permettent à chacun de maintenir ses propres avantages. Ces compromis font de la France un pays bancal qui avance à tort et à travers en maintenant des privilèges aux uns, des handicaps aux autres, et un contexte de discrimination inadmissible dans le pays des droits de l'homme.

Oui Ruffin défend les «petits» et a sollicité le témoignage d' une déléguée syndicale de Carrefour et celui d'un cheminot hors statut.
La déléguée de Carrefour nous a appris qu'une caissière à temps plein (ce qui est de plus en plus rare) touche environ 1200€ en net mensuel... La plupart du temps les femmes sont à temps partiel ! Cette déléguée nous a appris que la prime d'intéressement Carrefour 2018 (sur 2017) culminait à 57€ pour l'année !
Cela dit, effectivement si le versement d'une prime annuelle est de 57€ face aux dividendes versés aux actionnaires (somme faible par action, mais somme énorme en valeur cumulée) on peut se poser des questions.... D'autant que Peugeot a versé environ 2000€ à chaque salarié en 2017 sur l'année 2016, une fois la crise franchie.... Ce qui n'a pas empêché certains salariés de trouver cette somme faible !!!
Reste à comparer les résultats de Peugeot et Carrefour pour vérifier la cohérence entre prime et bénéfice d'une entreprise à l'autre. De ce point de vue on constate que Carrefour a subi une baisse de ses bénéfices en 2016 à 748 Millions d'Euros ce qui n'a pas empêché le versement d'un dividende de 0,70€ le 13/07/17..... Tandis que Peugeot sortant brillamment de ses difficultés avec un bénéfice 2016 de 2,5 Milliards d'Euros (3 fois plus que Carrefour au moins), versait pour la première fois depuis 6 ans un dividende de 0,48€ aux actionnaires, en donnant la fameuse prime de 2000€ à ses salariés (environ 104000 salariés).
Peugeot avec 0,48€ de dividende a moins soigné ses actionnaires que Carrefour (0,70€).... Sans doute la priorité aux investissements, et l'impact de la fameuse prime aussi !

Que s'est-il passé chez Ruquier pour que les témoignages soient partiels et partiaux: prônerait-on la désinformation dans cette émission?
Car la caissière a zappé des informations importantes et c'est un comportement de malhonnêteté intellectuelle que je n'admets pas: on peut contester et argumenter mais alors qu'on le fasse avec un souci d'objectivité et de vérité, et en mettant tout à plat pour réellement informer le public !
La prime d'intéressement (non obligatoire) dont elle a parlé est une chose totalement déconnectée de la participation légale (qui fait l'objet d'une loi). Oui c'est vrai, cette prime de 57€ de 2018 (sur 2017) est faible, mais pourquoi cacher la participation de 610€ versée en 2017 sur l'année 2016 ( aux 132000 salariés Carrefour)? Ce n'est pas rien (avec exonérations fiscales et sociales en prime) ! Même si la baisse des versements est forte en 2018 sur l'année 2017 à 325€ par salarié, la caissière a quand même perçu 57€ + 325€ = 382€ en 2018 et bien davantage en 2017 . Et si je fais le calcul par rapport au bénéfice de l'entreprise , Carrefour n'est pas loin de Peugeot en 2017 sur 2016 avec un versement de 610+ «X» = disons 700€ pour arrondir, car pour un bénéfice triple Peugeot a versé 2000€, et 3 fois 700€ font 2100€: on est donc dans quelque chose de cohérent par rapport aux résultats chez Peugeot comme chez Carrefour !
Je ne conteste pas la difficulté liée aux conditions de travail chez Carrefour: horaire faible souvent à temps partiel, horaire très variable d'où difficulté à s'organiser dans la vie quotidienne, stress du travail, clients parfois difficiles voire agressifs... Etc.... Mais malgré tout, contrairement aux employés de très petites entreprises ceux des grandes entreprises peuvent se défendre collectivement, ont les primes et la participation, ont des mutuelles avantageuses, bénéficient du Comité d'entreprise et de tarifs avantageux sur un tas de services et de produits.... Les employés de base des très petites entreprises ne sont défendus par personne (et jamais par ceux des grandes entreprises), paient toujours plein pot partout , et ce sont eux les vraies victimes même si les employés de grosses boîtes ont des raisons de se plaindre !

Délégué SNCF
Pour les cheminots le délégué CGT présent a déclaré gagner 1800€ nets ( il parlait du salaire de base pour quelqu'un de son âge) avec des embauches à 5h30 le matin (il est guichetier) pour ouvrir la gare à 6h. En évoquant les horaires élastiques, le travail du Week-end, la difficulté d'une vie privée... Il veut prouver qu'il n'est pas privilégié, d'autant qu' en retraite (départ à 64 ans) il touchera 1200€ pas plus .
Là encore désinformation car on zappe ce que je considère comme des privilèges (et dont les cheminots ne parlent jamais): La multitude de primes qui existent à la SNCF pour tout et n'importe quoi ( on a quand même fini par supprimer celle des escarbilles dans l'oeil 40 ans après la disparition de la vapeur, je rigole !) et ces primes peuvent majorer de façon énorme le salaire. Mais les avantages en nature constituent à mes yeux le privilège majeur:
gratuité des transports à vie pour les salariés, leurs conjoints et les enfants (en fait les enfants paient 10% je crois), sans parler des avantages via le comité d'entreprise. Alors oui tout cela représente des sommes énormes (que l'entreprise paie) et ces sommes viennent donc diminuer les bénéfices. Si chaque employé SNCF calcule au prix normal du billet tous les déplacements que sa famille et lui font en un an on peut monter très haut en valeur ! Vous en connaissez vous des salariés du privé qui ont des avantages à vie après leur départ de l'entreprise ? Non je ne crois pas !
Je prends d'ailleurs le pari que ces avantages en nature sont gommés par l'entreprise et passent à la trappe : en principe les avantages en nature doivent figurer sur la fiche de paye (comme c'est le cas en hôtellerie avec les repas et le logement) et, comme vous le savez, chaque ligne de la paye est soumise à cotisation. Le fait de ne pas noter les sommes sur les fiches permet à la SNCF une évasion sociale incroyable qui évidemment creuse le trou de la sécurité sociale ! Parallèlement les bénéficiaires des avantages ont leur fiche de paye minorée par l'absence des sommes considérées et leur imposition sur le revenu s'en trouve singulièrement diminuée....
Pendant ce temps là le pauv'con qui bosse en restauration cotise sur ses avantages en nature et paie des impôts dessus: CHERCHEZ l'ERREUR !
Curieuse façon d'appliquer la devise EGALITE (des cotisations) dans notre Pays !
Les petits qui cotisent partout en ont marre : pourquoi deux poids deux mesures ? Ils en ont assez de cotiser et de subir en lieu et place des employés du public et semi public.

Parallèlement à cela l'Etat lui-même en rajoute une couche car il triche de façon éhontée. Je l'ai vérifié en examinant la comptabilité nationale et en regardant les postes cotisations sociales payées à l'URSSAF ( information recoupée dans la comptabilité de l'URSSAF sur les cotisations payées par l'Etat). Comme on a ,dans ces documents, accès aux traitements versés aux fonctionnaires (et que leur nombre est connu) il est facile de vérifier qu'il y a un «loup»: j'évalue à plusieurs milliards chaque année le défaut de paiement de l'Etat à l'URSSAF ce qui revient à dire que le trou de la sécu est imputable en grande partie à l'Etat. Pour moi c'est la part patronale des charges qui serait plus ou moins «étouffée».
J'invite les lecteurs à faire le même contrôle que moi pour se faire une opinion. Je ne suis pas en effet à l'abri d'une erreur ! Et puis en consultant les documents officiels vous pourriez très bien lever d'autres lièvres sur les privilèges, sur l'opacité orchestrée par les pouvoirs publics, et peut-être mettre au jour des aberrations non encore explorées de la gestion publique.
Les employés d'air France se déplacent gratuitement partout sur la planète, à volonté, et eux aussi ont de considérables avantages en nature via leur comité d'entreprise. Et je ne vous dis pas les primes de participation qui font un joli pactole au départ en retraite, car contrairement à la SNCF, Air France a fait de beaux et gros bénéfices certaines années. Inutile de parler d'EDF et GDF les champions des bénéfices, les employés y bénéficient des plus grosses retraites (régimes spéciaux) de l'économie française avec une moyenne, si ma mémoire est bonne, plus de 2900€ par mois, et autant vous dire que l'intéressement devient un pactole après 30 ans d'accumulation ou plus !

Si j'étais salarié de base, avec seulement le SMIC, et devant payer plein pot mon chauffage, mes déplacements, mon gaz, mon électricité, je ne soutiendrais pas des personnes mieux loties que moi et qui cherchent avant tout à protéger leur situation personnelle, se moquant comme de l'an 40 des pauv'cons de smicards en petites boîtes qui n'ont strictement aucun avantage !

Mais monsieur Ruffin qui a raison de dénoncer les anomalies ne résoudra pas pour autant les problèmes. Il peut espérer sensibiliser les dirigeants et pourquoi pas aboutir à une modification de texte par un amendement ! En ce sens l' Assemblée Nationale joue parfaitement son rôle de tribune d'expression où un élu peut infléchir légèrement les choses. Il a raison de dire que cette institution n'est qu'une chambre d'enregistrement des décisions du gouvernement en poste.
Le gros problème qu'il constate est le phénomène d'impuissance d'un contestataire même s'il dénonce des faits avérés et anormaux. Mais c'est aussi un peu de sa faute car en n'analysant pas l'essence des choses il ne met jamais le doigt sur les raisons de base dans les problèmes rencontrés

Demander la modification des conditions de travail chez Carrefour, et la revalorisation des salaires et primes est une chose, mais méconnaître la physiologie de l'entreprise (donc le pourquoi de cette situation) oblige les salariés à passer par la grève pour obtenir de maigres résultats puisque le point essentiel n'est jamais évoqué ! Et ce point essentiel est que l'activité de distribution est une activité à gros C.A. Mais faible marge ( de 2% à 3% maximum).
Il faut savoir pourquoi: certes l'idée de vendre moins cher que le petit commerce pour se rattrapper sur la quantité vendue est une explication et c'est toujours celle qui est avancée. Mais l'autre vérité, rarement dévoilée, est que les marges sont faibles parce que les frais généraux sont artificiellement gonflés. En clair c'est l'immobilier qui est tarifé à un prix énorme (quel que soit l'âge de l'immobilier, et il y en a des terrains et des bâtiments dans les centres commerciaux et galeries, la location est toujours au prix du neuf avec indexation sur le coût de la construction). Les SCI propriétaires engrangent de fabuleux pactoles au profit de quelques actionnaires. Les groupes de distribution sont ainsi des pompes à fric pour les quelques propriétaires de l'immobilier commercial d'un pays. Vous comprenez donc pourquoi il est peu probable que l'on s'attaque à la puissance financière des personnes concernées. Il est vrai qu'au départ gonfler les loyers avait pour but de réduire les bénéfices des distributeurs donc l'impôt sur les sociétés (50% à l'époque), mais au fil du temps le filon s'est révélé si rémunérateur qu'on a développé la chose ! La solution passe donc par la régularisation de cet abus immobilier: les bénéfices des distributeurs vont monter à un niveau normal en même temps que les loyers abusifs baisseront à un montant économique plus logique.

Pour revenir à la SNCF, constater que la concurrence en Europe a fait grimper le prix des billets sur les grandes lignes ( au moins à 2 fois le tarif français, voire plus) est une réalité, en déduire qu'il faut conserver le statut des cheminots et moderniser les petites lignes pour empêcher la hausse des tarifs en marché de concurrence est une analyse aberrante car le problème n'est pas là: Le problème est que plus personne, à part ceux qui ne peuvent pas faire autrement, ne veut d'un moyen de transport obsolète et ringard. La solution passe nécessairement par une diminution des effectifs, malheureusement, mais surtout par la mutation de la SNCF du transport obsolète vers un transport efficace et moderne répondant aux mode de vie moderne des clients du XXIème siècle, ce qui serait un fantastique facteur de créations d'emplois.
Pour faire une analogie comprenez que le chemin de fer s'est développé parce qu'à l'époque cela permettait un énorme gain de temps par rapport au déplacement à pied , à cheval, ou en diligence. Les contraintes d'aller du domicile à la gare, puis de la gare d'arrivée à la destination finale, étaient négligeables en regard du temps gagné pendant le voyage.
Vouloir investir massivement dans les petites lignes SNCF d'aujourd'hui pour maintenir les liens entre les territoires, reviendrait à avoir pensé lors de l'installation du Chemin de Fer à investir dans des diligences en fibre de carbone ultra légères, avec roues et suspensions dernier cri, pour que moins de chevaux tractent autant de passagers en allant un peu plus vite dans les déplacements (et avec économie de fourrage à la clef), en améliorant le confort des passagers, sans hausse des prix, et aussi en maintenant les emplois.... Combat d'arrière garde car un attelage tirant une voiture, fut-elle aussi légère qu'un sulky, ne peut pas rivaliser avec un train quel que soit le trajet envisagé !
D'où mes courriers au Président Macron puis à Guillaume Pépy et bientôt aux dirigeants régionaux suggérant d'utiliser en réseau routier, sans lien avec le réseau routier classique, le réseau SNCF obsolète (avec extension de ce réseau sur des parallèles aux grandes lignes dont l'emprise au sol très large le permet): soit par un transport automatique de navettes électriques ou autres, sans chauffeur (ce qui soulagerait le réseau routier classique des cars et camions: donc moins de morts sur les routes), ou encore en implantant une autre génération de transport ultra rapide (hyperloop, véhicule magnétique gentre aérotrain sans structure béton, drone sur cable-guide etc...). Et pourquoi pas les deux options selon les cas et les lignes ?

François Ruffin est plein de bonne volonté mais dénoncer, sans avoir réellement travaillé les sujets, crée des tensions dans la société . Cela complique les choses, les envenime et ne permet pas la mise en place de solutions puisque jamais la cause fondamentale n'est traitée. Face à des hommes comme lui, ceux qui savent le fond des choses, et il y en a, se frottent les mains car ils sont certains que tout se calmera dans un compromis bancal soutenu par les uns (faute de mieux à obtenir raisonnablement), combattu par les autres (qui dénoncent avec raison l'injustice ou la discrimination, mais se sentent coupables de cacher leurs petits privilèges non dits et acceptent le deal, et surtout qui n'attaquent jamais sur le fondamental) . Ainsi les facteurs d'injustice et d'inégalité perdurent dans un climat, il faut le dire, de quasi satisfaction générale

Les choses changeront peut-être lorsque plusieurs personnes mettront en même temps (et partout sur la planète) les points sur les «i» en décortiquant l'essentiel des problèmes. L'opinion publique mondiale sera alors en mesure de régler définitivement et équitablement les aberrations qui existent aujourd'hui..... A moins que la nature humaine profonde ne joue un tour pendable à la population, en faisant émerger de nouveaux leaders qui commettront les mêmes faits répréhensibles que les leaders actuels, en maquillant les apparences et en assurant que tout est conforme et sous contrôle …..

L'histoire est un éternel recommencement et la nature humaine demeure la même depuis la nuit des temps !

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