mercredi 24 juin 2020

HOLD UP SUR LES MUNICIPALES : LA HONTE !

Dans un article publié le 7 Mai 2020 par Ouest France, à propos du premier tour des élections municipales, il était fait allusion aux 11 recours finistériens. La plupart émanaient de candidats ou d'électeurs pour violations des règles de campagne ou de vote, les autres étant diligentés par le Préfet, généralement pour rectifier les listes communautaires. Mais ces motifs concernaient 10 actions, la onzième étant très particulière puisque se résumant à 'une question prioritaire de constitutionnalité, ou QPC.
Une QPC , qu'est-ce que c'est? Elle peut être posée par un citoyen à l'occasion d'une procédure, pour violation des principes fondamentaux garantis par la constitution à tous les français. Elle doit évidemment être en lien avec la procédure, ne pas avoir fait l'objet d'une décision passée du Conseil Constitutionnel, et présenter un caractère nouveau et sérieux. Le juge gèle alors le fond du conflit et, s'il la juge recevable, transmet la QPC au Conseil d'Etat, lequel filtre à son tour avant transmission au Conseil Constitutionnel. Le fond du dossier n'est donc repris par le juge qu'après l'éventuelle réponse du Conseil Constitutionnel.
C'est un parcours complexe et qui peut être long, mais il faut saluer la modification de la Constitution qui permet à tout citoyen, depuis l'introduction en 2008 de l'article 61-1, d'agir seul alors qu'auparavant il fallait obtenir la signature de 60 parlementaires (procédure qui fonctionne toujours). C'est une réelle avancée démocratique! J'ose espérer que la publication sur ce Blog va aider à diffuser l'idée, en plus du recours à la Presse et à d'autres médias car il est impératif que cela change !

Le onzième recours du Finistère s'appuie sur le premier tour des municipales et conteste la constitutionnalité de l'article L 262 qui traite du déroulement des élections dans les communes de 1000 habitants et plus. Il ne s'est rien déroulé d'anormal dans l'élection contestée, mais c'est l'application de l'article L262 au pied de la lettre qui pose problème, car dans une quarantaine d'autres communes du Finistère (et, par extrapolation, de l'ordre de 4000 en France), une seule liste était candidate. Le phénomène est loin d'être marginal et est tout sauf anodin!
Pourquoi y a-t-il problème ?
Tout simplement parce que le législateur a complètement zappé la candidature d'une liste unique et a construit l'article L 262 en présupposant la présence systématique de plusieurs listes concurrentes.
En conséquence on applique à la liste unique les critères suivants prévus pour plusieurs listes en lice : Réaliser au moins 5% des exprimés pour pouvoir prétendre à la répartition des sièges, et réaliser plus de 50% des exprimés pour obtenir la moitié des sièges (les autres étant répartis à la proportionnelle). Or, ces deux conditions sont remplies avec une seule voix obtenue. Une voix étant indivisible, elle représente toujours 100% des exprimés donc remplit l'exigence des 5% et celle des plus de 50%. Quel que soit le nombre de votants les critères sont remplis. En période de corona virus on a donc fait prendre des risques sanitaires inutiles aux électeurs et aux bénévoles des bureaux de vote, puisqu'une seule voix suffisait pour élire la liste unique. Par comparaison, dans une commune de moins de 1000 habitants pour être élu au premier tour un candidat doit avoir obtenu plus de 50% des exprimés ET 25% des inscrits. La différence de traitement ( on pourrait parler de discrimination) est alors flagrante entre les communes, si pour 1000 habitants et plus la liste peut être élue avec une seule voix. Mais la solution ne consiste pas à mettre en place un critère supplémentaire en pourcentage des inscrits... Ce serait trop simple, et ne changerait rien car il y a quelque chose de pire: La constitution de 1958 fait référence à de nombreux textes internationaux proclamant des principes fondamentaux tels que la liberté d'expression à travers le vote, la liberté d'opinions politiques etc.... Il est évident que dans le mode de scrutin contesté ici, le cas précis d'une liste unique présentée dans une commune de 1000 habitants et plus, aller voter se résume à voter oui c'est à dire en faveur de la liste candidate, tout vote d'opposition étant dans les faits complètement interdit. Un vote non impossible c'est étrange en démocratie, non?
Si vous rayez des noms dans la liste votre vote est nul ce n'est donc pas un suffrage exprimé, si vous votez blanc, ce n'est pas un suffrage exprimé, et si vous vous abstenez, ce n'est pas non plus un suffrage exprimé. Il n'existe aucun moyen d'exprimer votre opposition et d'empêcher l'élection de la liste. Celle ci est donc de fait élue dès le dépôt de candidature, car la seule possibilité est le vote OUI, stratagème relevant plutôt des pays totalitaires. Permettre cela chez nous ternit passablement l'image de la France en tant que pays des droits de l'homme. Les principes de Liberté d'opinion et d'expression ne sont plus garantis et l'article L 262 doit être réécrit.
Plusieurs solutions techniques ont été proposées dans le recours, bien que cela ne soit pas la règle: mettre en place des bulletins OUI et NON en cas de liste unique, avec un système d'élection complémentaire pour les sièges revenant à l'opposition (solution innovante jamais envisagée); ou bien favoriser l'inscription de listes incomplètes (moins de candidats que le nombre de sièges à pourvoir), ce qui suppose de la part de ces listes l'éventuel renoncement à la majorité dans le conseil municipal. Des variantes, non décrites ici, sont possibles mais l'idée est de garantir à chaque électeur une liberté de choix. J'espère faire réagir en haut lieu. Il est quand même étonnant qu'aucun élu, aucun avocat, aucun média et encore moins l'exécutif, n'ait relevé cette anomalie et qu'il faille une initiative individuelle pour soulever le problème...
N'oublions pas que l'électeur n'est pas responsable du fait qu'une seule liste soit candidate. Il est légitime qu'il attende du législateur une réglementation garantissant une véritable expression démocratique pour tous. Le préfet en tant que dépositaire des candidatures pourrait très bien informer et alerter la population en temps utile pour susciter des candidatures et éviter la liste unique...
A croire que la démocratie n'intéresse finalement que très peu de monde, et que la suppression de la liberté d'expression à travers le vote ne chagrine en rien ceux qui sont bénéficiaires d'une telle élection que l'on peut qualifier de «hold up».

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